Pinault s’est installé à Venise parce que la France, ses gouvernements successifs, son administration, n’ont pas été capables de répondre à son souhait d’ouvrir et d’installer sa fondation en France dans un délai raisonnable. Tant pis pour les français, et tant mieux pour Venise. Au moins, une fois par an, pour les curieux de l’art contemporain, il y a un vrai motif à aller faire un saut à Venise, pour voir les accrochages du Palazzo Grassi et de la Punta de la dagona.
L’exposition de Rudolf Stingel au Palazzo Grassi, à Venise, est tout simplement folle. Folle dans sa dimension. Folle dans sa démesure. Folle dans ce qu’elle offre comme nouveau regard du palais lui-même. Première exposition monographique organisée dans ce temple de l’art contemporain, elle donne à l’artiste un double enjeu : occuper un espace de plus de 5000 m2 tout en accrochant une trentaine de toiles très monochrome, grises, souvent en petit format. Quel résultat !
Les sols et les mûrs sont ainsi recouverts d’une moquette imprimée représentant des motifs de tapis usés, façon kilim, agrandis, dont l’aspect « pixelisé » apparaît après un certain temps. Il y a, dans cette façon d’habiter l’espace quelque chose d’envoûtant et de féerique à la fois, qui provoque chez moi un effet euphorisant. Une envie de rire, une joie intense, et ses toiles, totalement abstraites au premier étage, et ultra figuratives au second, obligent à des allers et venus entre le décor et les œuvres. On a envie de s’asseoir – on ne le peut pas, nul siège ! – on a envie de se coucher – la moquette nous y incite et certains s’y essaient.
Le palais retrouve une dimension nouvelle ; les perspectives sont époustouflantes. Il n’y a pas dire, chapeau Monsieur Pinault, de rendre cela possible et visible….